mercredi 26 avril 2017

Ces personnages qui dérangent...


Que se passe-t-il quand la littérature de jeunesse donne la parole à des bourreaux ?  

Des cris et des critiques fussent !

« Mon vœu, le premier de ma vie à venir, est de voir le jour le 20 avril. Parce que c’est la date anniversaire de notre Führer. Si je nais le 20 avril, je serai béni des dieux germaniques et l’on verra en moi le premier-né de la race suprême. La race aryenne. Celle qui désormais régnera en maître sur le monde. » Max, Sarah Cohen Scali, Chapitre 1. 

Lorsque le roman Max de Sarah Cohen Scali publié aux Editions Gallimard Jeunesse,  commence ainsi, nous avons envie de prendre la poudre d’escampette pour ne pas se mêler des histoires de cet enfant nazi ! Nous avons peur de ce que nous pourrions ressentir face à un personnage aussi détestable. Nous sommes effrayés de laisser un tel livre entre les mains des plus jeunes. Donner la parole à des bourreaux, c’est banaliser la violence et légitimer les crimes ! 
Que nenni. De telles histoires sont plus riches que nous le pensons.  La violence n’est pas cautionnée, au contraire, elle provoque réflexion et débat.

Après sa lecture de l’histoire de Martial dans Je mourrai pas gibier de Guillaume Guéraud (Edition du Rouergue), le jeune lecteur, peut-être un peu perturbé dans les premiers temps, réfléchit sur les causes de la folie de ce jeune lycéen. Oui, nous pouvons parler de folie parce que le jeune lecteur comprend que l’acte de Martial est un acte de folie impardonnable. Il ne cautionne pas qu’un garçon puisse prendre un fusil, un marteau et une pelle pour commettre un massacre le jour du mariage de son frère. Il n’accepte pas mais il comprend la colère de ce jeune garçon. C’est Martial lui-même qui raconte ses actes et qui explique. Le lecteur découvre avec détails la mort des invités mais il découvre également les raisons à cela. Ce bref récit, choque et ouvre de nombreux débats sur nos sociétés actuelles.
 
Donner la parole à des bourreaux permet de dénoncer de manière forte et brutale certains événements passés ou certains faits de société. Dans Max, Sarah Cohen Scali offre la parole aux enfants endoctrinés par l’idéologie nazie et lève le voile sur les Lebensborn, ces maternités mises en place par les nazis pour créer une race aryenne pure.
Des mots forts, parfois vulgaires et cruels sont utilisés par Max lui-même, pour expliquer la cruauté nazie. Le lecteur est à l’intérieur même de cette idéologie qui le révolte et l’effraie. Max est un personnage détestable auquel le lecteur s’attache malgré tout. De fait, finalement le lecteur comprend que ce garçon est une victime. Bercé par cette idéologie, il ne connaît pas autre chose. C’est sa rencontre avec Lukas, un jeune garçon enlevé par les SS, qui va ébranler ses convictions. Un roman fort et puissant qui ne laisse personne indemne. Une écriture et une histoire à couper le souffle. Un roman au cœur de l’Allemagne nazie qui fait réfléchir.
  
Ce mois-ci, la célèbre L'Affaire de Jennifer Jones fut de nouveau imprimé par les éditions Milan. Pourquoi Anne, jeune étudiante sans famille, découpe tous les articles de journaux faisant référence à la mort d’une jeune enfant tuée par une autre enfant il y a six ans ? Quels secrets cache Anne ? Qui est-elle réellement ? Les mots d’Anne Cassidy vous emportent dans les profondeurs humaines avec une plume talentueuse.
Un roman perturbant. Une histoire sombre qui laissera vos sens en émoi et qui dérangera vos habitudes de lecture. J’ai lu ce roman, il y a désormais, quelques années, et le personnage de Jennifer me hante toujours.

Ces romans sont pour moi, des pépites de la littérature de jeunesse. 

Ces histoires où les personnages principaux sont des bourreaux ne sont pas sans rappeler les romans de Cat Clarke publiés dans la Collection R chez Robert Lafont, où les jeunes héroïnes commettent certains actes irrémédiables comme dans Cruelles ou Revanche. Le lecteur aime détester certains personnages.

Les adolescents sont malheureusement souvent habitués à voire de la violence au travers des médias, des films ou des jeux vidéos. Dans la littérature, la représentation de cette violence est justifiée, expliquée et engendre une véritable réflexion. Jamais gratuite, elle est proposée dans un objectif bien précis.  Passer du côté obscur brouille nos habitudes littéraires ainsi que celles des lecteurs adolescents. L’expérience de lecture se nourrit de ces romans qui troublent, qui heurtent et qui provoquent de puissantes émotions chez tous les lecteurs.

Quel est votre avis ? Connaissez-vous d'autres romans avec des personnages principaux bourreaux ? 


A bientôt, 

Little A. 

    



3 commentaires:

  1. Max m'avait violemment frappée comme bouquin. Je le détestais et en même temps, j'avais envie de poursuivre la lecture. J'étais même en colère contre moi de vouloir continuer à lire, c'était affreux !
    J'ai lu aussi L'affaire Jennifer Jones, mais j'avoue que je n'en ai pas gardé un souvenir de dingue... Par contre le Guillaume Guéraud m'attire depuis quelques temps, je vais sûrement me laisser tenter !

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  2. Max est sans doute le premier que j'aurai cité. En tout cas, le premier qui me vient à l'esprit.
    Les autres, je ne connais pas.

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